La magie monétaire va-t-elle frapper en Suisse ?

Le rôle à venir des banques centrales, sujet de réflexions académiques hétérodoxes de longue date, n’est plus destiné à un public versé en la matière. Dimanche prochain, les Suisses vont voter à l’occasion d’un référendum portant sur un texte intitulé « Initiative Monnaie Pleine ». S’il en était décidé ainsi, celui-ci accroitrait singulièrement les missions de la banque centrale suisse.

Les auteurs de la pétition, qui ont récolté plus que les 100.000 signatures requises pour obtenir que la question soit soumise à référendum, s’engagent sur le terrain de la création monétaire avec des positions doctrinales communément admises mais fort discutables (*). Quoi qu’il en soit, leur objectif est d’interdire cette création aux banques commerciales pour la réserver aux seules banques centrales, dans le but de contenir le crédit ainsi que les bulles financières. Remarquons que l’on n’est pas loin de la proposition de supprimer les banques commerciales et d’instituer l’ouverture systématique de comptes aux banques centrales à tout un chacun. Sans aller jusque-là, l’initiative représenterait un changement radical du fonctionnement financier si elle était adoptée.

S’interroger sur le volume du crédit se justifie pleinement. La machine à fabriquer de la dette fonctionne à plein rendement. Cela découle d’une mauvaise allocation des capitaux qui privilégient le rendement financier et négligent l’économie. Toutefois, est-ce qu’une solution « monétariste » est la mieux trouvée pour restreindre les appétits sous le contrôle présumé des banques centrales ? Des solutions d’un autre ordre ne sont-elles pas préférables, qui sont de nature fiscale ? La réflexion sur l’état de l’économie et des finances serait condamnée à rester bien démunie si elle devait se cantonner à la sphère monétaire, ce haut-lieu où tout se résout sur le papier comme par magie.

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(*) la création de la monnaie par les banques commerciales, confondue à tort avec l’émission de leurs prêts, a fait l’objet d’un long débat en 2008 sur le Blog de Paul Jorion pour aboutir à l’idée que cela procédait d’une confusion (voir https://www.pauljorion.com/blog/2016/07/30/retour-sur-la-pretendue-creation-monetaire-ex-nihilo-par-les-banques-commerciales/)


 

19 réponses sur “La magie monétaire va-t-elle frapper en Suisse ?”

  1. Sans bien sûr oublier que la Suisse reste un paradis fiscal, c’est-à-dire un pays développant une économie parasite au détriment de ses voisins, il convient de saluer leur système de votation qui donne la parole aux électeurs et ne les infantilise pas.

    Un des principes fondamentaux de la démocratie est de considérer que chaque citoyen à la capacité de comprendre la problématique et les enjeux soulevés par le fonctionnement de nos sociétés, fussent-ils les plus complexes. À comparer avec le fonctionnement législatif français, où au mot et à la virgule près, des députés appartenant à des formations politiques différentes déposent les mêmes amendements écrits par les lobbies.
    Quel que soit le résultat du vote, un vrai débat a eu lieu où chacun a pu développer et soumettre calmement ses arguments aux électeurs. Bravo à nos amis suisses, dans ce cas précis, ils sont un exemple !

    PS : le regretté Bernard Maris considérait que les banques commerciales prêtant l’argent qu’elles ne possèdent pas, cela revenait in fine à donner des ordres d’émission monétaire à la banque centrale.

    https://www.youtube.com/watch?v=B6H2v4DaEyo

  2. Bonjour M. Leclerc,

    Vous savez que j’ai participé aux débats sur la création monétaire sur le blog de Paul Jorion. Je n’ai jamais compris pourquoi il s’est toujours opposé au principe – reconnu par tous – de la création ex-nihilo par les banques commerciales.

    On ne peut pas réfuter ce que nous dit le portail de l’économie et des finances à ce sujet :

    https://www.economie.gouv.fr/facileco/creation-monetaire-definition

    Bien cordialement à vous

    1. Entre belges , français et surtout suisses ( qui sont très pédagogues ) on va bien finir par trouver une traduction commune en bons vocabulaire et langue française , pour unifier et éclaircir les subtilités de la monnaie et de son usage .

      Mais il y a encore visiblement du boulot , le problème étant que tout le monde n’a pas forcément envie que la clarté soit , et dans tous les bords pour des motivations variées .

      Vive la citoyenneté suisse !
      Moins enthousiaste pour leurs ( les ) banques et ceux qui les gouvernent .

      1. C’est le problème de tous les commerçants . Question d’impayés ou d’impayables sans doute . A ma connaissance un vendeur n’est pas tenu d’accepter un chèque en paiement pourvu qu’il l’annonce clairement ( refus total ou sous condition de montant ) sur le lieu de vente . c’est souvent le cas dans les bureaux de tabac et les boulangeries d’ailleurs .

        Si on revient en Suisse , il m’est arrivé , il y a une quinzaine d’années ,de me voir refuser un paiement en euros en espèce et devoir payer mon sandwich par carte visa ( qui prend quelques millièmes du coût de base au passage ) faute de francs suisses dans la poche .

          1. J’ai une petite intuition de ce que vous voulez dire , mais les marchands libanais qui , en Afrique , étaient assez friands de chèques en francs ( mais sans le nom du bénéficiaire ) pour  » faciliter » des transferts plus lointains et moins licites , seraient assez difficiles à convaincre .

          2. Oui, Juannessy, un ami sculpteur invité à un symposium en URSS (années 1980) vend une sculpture. Mais impossible de sortir l’équivalent en monnaie du territoire. Comment fut-il payé ?
            Le troc.
            Un wagon de chaussette (arrangements).
            Quelques fois plus c’est gros plus ça passe.

    2. Pas de réaction, (votre message +le mien, 8/6 à 23h36)
      ni de F. Le clerc, ni de P. Jorion…Dommage.
      Me semble que cette suissesse méritait qu’on s’y attarde..
      Une occasion ratée de tester ses idées en grandeur nature, sans autre risque que la contradiction provenant d’autres (nombreux) chroniques parallèles sur le sujet.
      ((en particulier l’actuelle série de Romaric Godin sur Mediapart))

  3. Si j’en crois un ami genevois, rentré au pays depuis une semaine, il ne fait aucun doute que l’initiative[http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/] sera rejetée… Il faut dire que quasi-TOUT ce qui se lit,s’écoute ou se voit est CONTRE : https://www.rts.ch/info/suisse/9471845-la-complexite-de-l-initiative-monnaie-pleine-pourrait-favoriser-l-abstention.html et https://www.rts.ch/info/suisse/9522984-plus-de-130-parlementaires-rejettent-l-initiative-monnaie-pleine.html
    Pour faire court, vous, F.LECLERC, putatif citoyen suisse moyennement fortuné, vous voteriez pour ou contre…et surtout, pour quel(s) motif(s)..?

    1. Question difficile ! J’opte a priori pour le coup de pied dans la fourmilière (les pauvres), c’est à dire le oui !

    1. Pour bien entrevoir l’intérêt de la « chose » , remarquons dans le contenu du lien l’interrogation suivante: « Et M. Derrer [le requérant] de demander par exemple à qui doivent appartenir les gains de la création monétaire, aux entreprises privées ou à la collectivité sous la forme d’une réduction de la dette publique ou des impôts.  »

      On pourrait aussi entrevoir l’intérêt de se poser la question suivante :
      Si l’on tient compte(par exemple) de la précédente affirmation de Bayard Jean (8/6 à 12h04) :  » Je n’ai jamais compris pourquoi il [P.Jorion] s’est toujours opposé au principe – reconnu par tous – de la création ex-nihilo par les banques commerciales.
      On ne peut pas réfuter ce que nous dit le portail de l’économie et des finances à ce sujet
      « …(lien)… la question se pose de savoir si toute affirmation contraire propagée relève(ra) de la prochaine loi-Macron sur les « fake-news »…
      (Très sérieusement exprimé..! )

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